L’entracte, une pause publicitaire dans une société de consommation
L’entracte sert d’abord c’est d’abord un moment publicitaire. Des commerces locaux profitent de l’espace pour faire valoir leur boutique et leurs services sur un rideau peint.
![Rideau publicitaire du cinéma l’Eden de Saint-Cast Rideau publicitaire](http://www.cinema-et-histoire.fr/wp-content/uploads/2013/08/Billet-1-image-11.jpg)
Rideau publicitaire du cinéma l’Eden de Saint-Cast
Puis un jeune publicitaire, Jean Mineur, propose dans les années 1930 de tourner pour des entreprises des petits films de promotion. En 1952, il gère l’entracte d’un millier de salles en France. Trois ans auparavant, il est à l’origine du « message sans doute le mieux mémorisé du cinéma en France » d’après la revue Le film français… : un numéro de téléphone « Balzac 00.01 ». Dès son obtention par les PTT raconte Jean Mineur, « j’ai fait dessiner un nouveau générique, avec mon mineur et mon beau numéro de téléphone. J’ai fait enregistrer la finale par un speaker en lui demandant de bien détacher les chiffres. Zéro… zéro… Zéro… un ! Un triomphe ! En quelques semaines, tout le monde connaissant mon téléphone. »
L’entracte, un moment de sociabilité et de plaisir partagés
« Qui se souvient du vendeur albinos qui, aux entractes du Cinéma Royal [ d’Alexandrie] se promenait à travers les rangées appelant « Eskimos-Chocolats-Mentips« ! »
Témoignage et souvenir rapporté par Simone Béhar NEMON, septembre 2012
« Et l’entracte. Tandis que l’inutile rideau se refermait en couinant sur l’écran gris et que l’ouvreuse faisait entendre son cri sans illusion (‘’bonbons, caramels, esquimaux, chocolats’’), la scène –calme horreur- se peuplait parfois de ce qu’on appelait alors les ‘’attractions’’. »
Serge Daney, La rampe, Cahiers du cinéma, 1983
L’entracte, un moment potentiel de manifestation politique
Pendant la seconde guerre mondiale en zone occupée par l’armée allemande, les pauses entre chaque partie du spectacle cinématographique, a fortiori l’entracte, constituent, l’occasion de messages adressés aux spectateurs, concernant par exemple d’éventuelles alertes au bombardement en cours de projection, voire des menaces à l’encontre du public… Ainsi par exemple, dès l’automne 1940, l’occasion pour les autorités nazies de faire circuler un avertissement d’abord lu, puis enregistré et diffusé : « Allô, allô ! La Direction rappelle aux spectateurs qu’ils doivent s’abstenir de manifester de quelque manière que ce soit pendant la projection des actualités. Des mesures très sévères seront prises contre tout spectateur dont l’attitude constituerait même un commencement de manifestation » (avertissement diffusé à Paris en 1942)
Dans le cadre de luttes entre le monde laïc et le monte catholique, à l’occasion d’une inauguration de salle de cinéma sous la houlette de patronages catholiques, l’entracte peut aussi servir de tribune comme l’atteste l’intervention du chanoine Gilbert lors l’inauguration officielle du cinéma de la Tour d’Auvergne, « cinéma familial » rennais, en présence de Mr Mignen, archevêque de Rennes, le 15 janvier 1934 :
« Je suis heureux et fier de vous présenter cette salle confortable. […] Nous n’avons rien négligé ; nous avons tout fait pour procurer aux familles de la paroisse et aux familles de la ville, une salle confortable, une salle vraiment familiale, où elles pourront venir sans crainte, en toute sécurité, se recréer et recréer [sic] leurs enfants, en admirant des films intéressants et instructifs, des films de premiers choix et d’une moralité irréprochable »
Sources :
- Leslie Dagneaux, Église catholique et cinéma : une possible conciliation ? Étude des cinémas paroissiaux à Rennes dans l’Entre-deux-guerres, Master recherche études cinématographiques, ssdir Roxane Hamery, UHB Rennes 2, 2012, Tome 1, 217 p
- Christian-Marc Bosseno, La prochaine séance. Les Français et leurs cinés, Gallimard, 1996, 128 p
- Dictionnaire populaire du cinéma français, ssdir Yannick Déhée et Christian-Marc Bosseno, Nouveau monde Editions, 2009, 887 p
- Echos de guerre 1942-1943, Documents sonores, discours, informations, chansons, cd, ALP/Marshall Cavendish, 1996
- Jean-Pierre Bertin-Maghit, Le cinéma français sous l’occupation. Le monde du cinéma français de 1940 à 1946, [O Orban 1989], Perrin 2002, 473 p